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Rencontres insolites : les glacières

 

Avant-Propos

Nombreuses sont les rencontres lors de nos balades; vestiges et témoins d'un passé encore récent, les traces de charbonnières, fours à chaux, à cades, aiguiers, bories, moulins, glacières, etc., se succèdent.

Randonneurs, nous les cotoyons régulièrement, en connaissons (plus ou moins) leur usage, leur activité, les métiers y découlant. Je dis bien plus ou moins car hélas, le temps qui passe efface bien des souvenirs.

J'ai pensé qu'il ne serait pas vain de réveiller, de rappeler ce qu'étaient ces ouvrages, d'éclairer les visiteurs de notre si belle Provence, d'où la création de cette nouvelle rubrique dont voici le septième volet dédié à la glace et aux glacières.

 

Historique : Il n'y a pas si longtemps encore, avant l'ère du réfrigérateur, l'homme n'avait d'autre ressource pour rafraîchir ses boissons et conserver ses aliments, que de faire appel à son imagination et aux atouts que pouvait lui offrir la nature .

C'est ainsi que, tout logiquement, naquit l'activité consistant à fabriquer de la glace naturelle et furent réalisés les étonnants et parfois imposants édifices rencontrés lors de nos sorties.

Marché saisonnier, juteux, comportant d'importants risques, celui de la glace s'est développé sur le massif de la Ste-Baume à partir du XVII° siècle et jusqu'à l'aube de XX°siècle.

 

glacière de Pivaut
Glacière de Pivaut à Mazaugues, niveau bassins

 

Une réponse à des besoins quotidients: Témoin d'un ancien métier des collines, l'édifice de Pivaut adossé à la colline rocheuse en constitue l'un des plus remarquables.

Pour conserver aliments et boissons, l'on utilisait soit de la neige gelée, soit de l'eau des sources, rivières, lacs et pluies prises en glace. L'eau était amenée par des canaux jusqu'à de petits lacs artificiels où, l'hiver, le froid la transformait en glace.
Puits à neige et puits à glace de 10 à 15 m de profondeur constituaient ainsi les réservoirs dans lesquels la glace était stockée en attendant d'être transportée depuis son lieu de production jusqu'à celui de sa consommation.

L'été, les blocs étaient débités et transportés par charroi nocturne, principalement à Marseille et Toulon. Protégés de la chaleur par des couches de laine, de feuilles, de fougères ou de paille, une course contre la montre s'organisait avec les impératifs suivants : arriver aux points de vente avant le lever du soleil, et ensuite celui des pêcheurs, partant du principe (comme encore aujourd'hui) que les premiers arrivés seront certains d'écouler leurs marchandises.
Dans cette course à la livraison, les accidents n'étaient pas rares, certains partis à la faveur des étoiles ne virent jamais le jour. Autre risque : les voleurs et bandits de tout acabit qui dépouillaient ces malheureux tranporteurs.

La production et la consommation de "neiges et de glace" connaissent une organisation rigoureuse, très rapidement contrôlée par les pouvoirs publics. La cession des "fermes à glace" se fait au cours d'enchères organisées par les communautés qui fixent les clauses d'exploitation et de durée variant d'une ville à l'autre : de deux à six ans pour Arles et Marseille, de neuf ans à Toulon.

 

zone intermédiaire
Glacière adossée aux bassins de congélation

 

Une technique ancestrale - Le principe de fabrication n'était pas très sorcier. Le plus dur était de trouver l'endroit adéquat pour installer les bassins de congélation et pour construire les immenses réservoirs que sont les glacières. Il fallait en effet que le site se trouve à proximité de sources, qu'il soit le plus possible à l'abri du soleil, et qu'il bénéficie d'un courant d'air frais (principalement le Mistral)..

De préférence adossée à un terrain pentu, présentant une terre suffisamment compacte pour éviter les éboulements et les infiltrations d'eau pluviales, le puits était creusé puis construit en blocs de pierres grossièrement équarris, mais ajustés à la perfection et liés au mortier de chaux. L'intérieur est enduit d'un crépi sur toute sa surface.

Surmonté d'une voûte en coupole, le toit est constitué de deux couches de pierres sèches, plates, séparées par deux couches de terre ou de sable.
En finition, des tuiles creuses sont posées sans aucune charpente.

Les ouvertures dans les parois verticales étaient limitées à une ou deux bouches d'aération et de lumière. Une bouche de chargement à hauteur des bassins de congélation permettait le remplissage du puits. Au niveau du sol extérieur et à mi-hauteur du puits, une autre bouche de chargement située côté Nord, plus grande que la précédente, est doublée ou même triplée dans l'épaisseur de la paroi afin d'éviter les transferts de chaleur et de lumière vers l'intérieur. L'espace ainsi laissé était bourré de paille, renforçant l'isolation thermique. Dans certaines glacières la bouche ne s'ouvre pas directement sur l'extérieur, constituant ainsi un sas semi-tempéré.

La partie inférieure du puits de glace est le plus souvent constituée de grosses caillasses, lesquelles sont recouvertes d'un caillebotis fait de troncs d'arbres (principalement des ifs), alignés les uns contre les autres. Une couche de branchages vient assurer la finition de l'ensemble réutilisable plusieurs années. Enfin, une épaisse couche de paille est étalée, le fond est prêt à recevoir la glace qui sera compactée et étalée par couches ou charges successives d'environ un pan d'épaisseur.
De temps en temps l'on envoie de l'eau pour solidifier l'ensemble. Le lit de glace bien battu et homogène recevra ensuite d'autres charges pour finalement former un énorme bloc compact.
L'on notera que pour éviter au maximum les pertes de froid, toute la périphérie des parois du puits était garnie de paille ou d'autres matières isolantes (feuilles, fougères, etc.), au fur et à mesure que montait la masse gelée.
Le chargement terminé, un "chapeau" destiné à coiffer l'ensemble était confectionné par de la glace parfaitement lissée. Enfin, l'espace restant entre chapeau et voûte était remplit de paille, les ouvertures étaient scellées.

La description interne du puits ne serait pas complète si mention d'un canal d'évacuation des eaux de ruissellement n'y était faite.
Sous le caillebotis préalablement confectionné, l'évacuation s'effectue entre les grosses pierres, l'eau étant collectée par un canal débouchant à l'air libre, en contrebas du terrain. Cette eau provient en partie de la fusion de la glace (inévitable) ainsi que du nettoyage précédant le remplissage.

 

Le travail de la glace - Travail d'hiver, les gelées survenant ordinairement la nuit, le travail s'effectuait de jour. La collecte de la glace se faisait principalement dans des bassins de congélation d'une profondeur de 15 à 20 cm. A la faveur des nuits froides et des vents secs soufflant en bordure de ces bassins, l'eau se transformait en glace. Il ne fallait pas moins de deux à quatre gelées pour remplir convenablement ces bassins dont l'eau était acheminée depuis des sources alentours jaillissant aux pieds de la Ste-Baume.
La glace, une fois formée, était sciée en morceaux, acheminée dans des conteneurs de toutes sortes vers le puits, à dos d'homme, avec des bêtes ou des wagonnets sur rails. Pour finir, elle était ensuite basculée dans la glacière au moyen de cordes et poulies.
a noter que la collecte se faisait également dans les ruisseaux, les mares et autres bassins.

Travail d'été, la glacière connait une autre activité. Pour des raisons évidentes, c'était une activité de fin de journée et de nuit, l'objectif étant de profiter d'un maximum de fraîcheur au cours du tranport.
La demande et donc la consommation débutent début mai, variable selon les conditions climatiques.
Les triples portes calfeutrées de paille sont ouvertes. L'on change la paille pourrie et mouillée de dessus le "chapeau", nettoyant et régularisant la surface du bloc de glace. La récolte s'effectue ensuite en brisant et découpant la glace à l'aide d'un ciseau en acier, puis pelletée et tassée dans des moules de forme cylindrique hissés au moyen de poulies jusqu'aux ouvertures de la glacière.
Les pains étaient ensuite démoulés et chargés sur des charrettes pour être acheminés vers les points de vente des villes.
A chaque extraction, l'on recouvre de paille la surface de la glace réduisant ainsi les pertes dues à la fonte.

 

Récolte et commercialisation Le travail autour des glacières s'est exercé aussi bien en hiver qu'en été, apportant un revenu d'appoint aux paysans locaux de l'époque qui étaient embauchés comme main-d'oeuvre occasionnelle. La glace dite "naturelle" récoltée en montagne sera présente sur tous les étals jusque dans les années 1920 - 1930, ayant eu une clientèle inconditionnelle.
Mais au début du XIXè s., le développement du chemin de fer permit à la glace naturelle des Alpes de venir concurrencer les glacières de la région. Un peu plus tard, ce fut au tour de la glace industrielle. Elle sonna le glas de la glace naturelle qui résista avec force avant de succomber.

De nos jours, il subsiste quelques édifices restaurés (non visitables car privés) ainsi que quelques ruines disséminées un peu partout dans le Var, mais le plus souvent oubliées par l'histoire et les hommes.

Pour les curieux, il existe à Mazaugues un très beau Musée de la Glace qui retrace la vie de ces glaciers (photos, instruments, livres,...). Toujours à Mazaugues, la glacière Gaudin, dite de Pivaut a été restaurée par le Conseil général du Var et reste visitable, s'adresser au musée ou à l'Office du Tourisme.


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© Gilbert Bauer